Renforcer notre connaissance des processus océaniques et de leur influence sur les populations de poissons du Pacifique pour une meilleure gestion des pêches
Nos travaux océanographiques visent à déterminer comment un ensemble de processus océaniques, des courants à la température de l’eau en passant par la productivité, combiné à la dynamique climatique influencent le déplacement des thons et provoquent des changements au fil du temps. Il est prouvé que les systèmes océan-climat influencent considérablement les pêcheries thonières du Pacifique occidental et central à différentes échelles spatio-temporelles et de différentes manières. Les changements d’ordre océanographique peuvent influencer les déplacements verticaux et horizontaux des thons et d’autres espèces, ainsi que la survie des œufs et des larves. Chaque espèce de thons a ses propres préférences, par exemple en matière de température, et réagit par conséquent différemment aux changements océanographiques et climatiques. Bien que les gestionnaires de pêches n’aient aucun moyen d’action sur les paramètres océanographiques et climatiques, il est nécessaire de tenir compte de leur influence pour améliorer la gestion des pêches.
L’océan Pacifique possède une structure thermique caractéristique : on y trouve le réservoir d’eaux chaudes (« warm pool ») dans la partie occidentale équatoriale et la langue d’eau froide (« cold tongue »), une bande d’eaux froides riches en nutriments, dans la partie orientale et centrale équatoriale. De manière générale, les captures de thons sont plus importantes dans le réservoir d’eaux chaudes du Pacifique occidental équatorial, une zone à faible productivité primaire et abritant les eaux superficielles les plus chaudes de tous les océans de la planète. Toutefois, la dynamique du Pacifique occidental et central est remarquable sur le plan océanographique, ce qui est principalement dû à des changements climatiques (tels que l’oscillation australe El Niño). Par conséquent, des variations des captures de thons sont observées aussi bien aux échelles régionale que nationale, entre les saisons et les années, car les déplacements et la distribution des poissons sont directement influencés par les processus océaniques. Renforcer notre connaissance de ces processus et de leur évolution spatiale et temporelle reste un enjeu déterminant pour la gestion des pêches. Ces processus sont notamment la divergence ou la convergence des courants, qui peuvent provoquer des phénomènes physiques tels que des remontées d’eau, une faible concentration d’oxygène dissous, des fronts thermiques et des tourbillons, qui augmentent la productivité de façon localisée et créent des zones d’alimentation, d’attraction et de concentration de thons. Plus précisément, le déplacement est-ouest de l’écosystème pélagique « réservoir d’eaux chaudes-langue d’eau froide » doit être pris en compte avec la plus grande attention par les gestionnaires de pêches de toute la région.
Oscillation australe El Niño (ENSO) et distribution des thons
Des analyses ont montré que la variabilité interannuelle des conditions environnementales liée à l’oscillation climatique (ENSO) se ressent clairement dans l’activité des principales pêcheries thonières et la dynamique des populations des différentes espèces de thons. L’ENSO influe sur les pêcheries thonières en provoquant des changements environnementaux dans le système « réservoir d’eaux chaudes-langue d’eau froide ». Durant les épisodes El Niño, la distribution des prises à la senne dans le Pacifique occidental et central est généralement déplacée vers l’est, indiquant une modification spatiale de la distribution des thons. L’oscillation a une incidence indéniable sur les États et Territoires insulaires océaniens, faisant varier les volumes de thons capturés dans leur zone économique exclusive (ZEE) et par conséquent leurs revenus, en fonction des caractéristiques de l’ENSO.
Influence sur le recrutement
La contraction ou l’expansion du réservoir d’eaux chaudes du Pacifique a également une influence majeure sur le recrutement de thons selon les espèces. En ce qui concerne les espèces tropicales, telles que la bonite et le thon jaune, les épisodes El Niño favoriseraient le recrutement du fait de l’expansion des habitats de frai en eaux chaudes, alors que les épisodes La Niña tendraient à réduire les zones de frai favorables et à limiter le recrutement. Les tendances opposées ont été observées pour les espèces subéquatoriales, telles que le germon du sud. Les scientifiques prennent ces phénomènes en compte pour donner des indications concernant les futures captures possibles dans chaque ZEE.
Le réchauffement climatique devrait également avoir une incidence sur les pêcheries thonières de la région en faisant augmenter la température moyenne des eaux superficielles à des niveaux actuellement relevés pendant les épisodes El Niño et en faisant augmenter la variabilité interannuelle. La productivité primaire de la zone tropicale du Pacifique pourrait elle aussi être altérée. Ces facteurs pourraient avoir une incidence sur la distribution, l’abondance et la capturabilité des thons ciblés, mais davantage de recherches doivent être menées pour confirmer ces hypothèses et mettre au point des stratégies d’atténuation à l’appui de la gestion des pêches.